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La crise syrienne

Durant les trois dernières années, la prolongation du conflit et l’augmentation de la violence ont  détérioréela situation humanitaire en Syrie. Les Nations Unies estiment qu’il y a 2,755,777  de reéfugiés syriens dans le monde, la majorité étant située dans des pays limitrophes comme le Liban, la Turquie et la Jordanie. Il y a en plus 4.25 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie.

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Phillip Deng est un expert de CANADEM qui a travaillé comme Rédacteur de rapports pour le secteur régional de la santé pour l’OMS en Jordanie. Il a été déployé avec l’équipe d’appui en urgence de l’OMS pour la surveillance de la situation régionale dans le domaine de la santé. Son rôle était d’appuyer les bureaux pays de l’OMS en Syrie et dans les pay voisins dans le développement de rapports sur la situation de la santé dans chaque pays. Lisez le compte-rendu de l’entrevue que Phillip a conduite avec M. Mahmoud Othman, un résident de Damas qui s’est réfugié à Amman lorsque les préoccupations sécuritaires l’ont forcé à quitter son pays.

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Entrevue avec un réfugié syrien par Phillip Deng

En tant que consultant avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), j’étais aux premières loges pour constater les efforts des fournisseurs d’aide humanitaire et des communautés hôtes pour promouvoir l’accès aux services de santé pour les réfugiés syriens. Malgré ces efforts, les réfugiés syriens qui souffrent de maladies chroniques rencontrent des défis. Leurs expériences et leurs histoires peuvent être très touchantes.

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Le 13 août 2014, j’ai réalisé une entrevue avec un réfugié syrien habitant Amman, M. Mahmoud Othman, qui voulait partager son histoire. Pour une personne comme moi, qui travaille et interagit avec des réfugiés régulièrement, il peut être difficile de trouver les bons mots pour décrire les émotions éprouvées en entendant ces histoires. En réfléchissant à notre entrevue avec Mahmoud durant le chemin du retour, ma collègue Mary Sweidan de l’OMS a su capturer succinctement la dimension humaine et l’impact de ces situations : « Ils sont des réfugiés, ils ont été forcés de quitter leur maisons et leurs propriétés, ils n’ont pas de salaire, ils n’ont pas le droit de travailler. »

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L’épouse de Mahmoud est morte juste avant la guerre, le laissant seul avec leurs enfants. Malgré cette tragédie, Mahmoud a su assumer la responsabilité de s’occuper de ses enfants. Mahmoud avait eu des problèmes mineurs de rein à un jeune âge, et à travers la violence et les perturbations causées par le conflit, ces problèmes ont empirés. Un diagnostic d’insuffisance rénale en février 2013 lui a causé un choc et a compliqué sa vie. Il a alors été placé dans un programme de traitement de l’insuffisance rénale qui impliquait des sessions de dialyse hebdomadaires et un traitement pour l’hypertension. Tous ces traitements lui étaient fournis gratuitement dans un hôpital gouvernemental. « En Syrie, tous les coûts reliés à mes traitements étaient couverts par le gouvernement, y compris la dialyse, les médicaments contre l’hypertension, les suppléments de vitamines et tous les autres coûts », dit Mahmoud.

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Le conflit empirait et Mahmoud voyait de plus en plus de gens, y compris des membres de sa famille, ses amis et ses voisins quitter la Syrie. Pour sa part, il avait décidé de ne pas partir tout de suite, pour pouvoir continuer ses traitements. Le conflit ne montrait aucun signe de résolution. La situation devenait dangereuse pour les enfants allant à l’école et il décida donc d’envoyer ses enfants en Jordanie chez des membres de sa famille pendant que lui-même restait en Syrie. C’était il y a environ un an, en août 2013. Sa belle-mère emmena les enfants en Jordanie.

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Comme le conflit continuait à causer de plus en plus de destruction, de violence et d’insécurité, Mahmoud décida éventuellement qu’il était temps pour lui aussi de partir. Il est arrivé en Jordanie en mars de cette année. « La situation se détériorait. De plus en plus de gens quittait la Syrie pour leur sécurité. Ça devenait trop dangereux, alors j’ai décidé de partir aussi pour rejoindre mes enfants en Jordanie », dit Mahmoud. Sa belle-mère, qui s’occupait des enfants, est veuve et sa seule source de revenus vient de la pension de son mari. Elle pouvait à peine subvenir aux besoins des enfants de Mahmoud avec ces ressources. Heureusement, Mahmoud a une nièce à Amman, Zakia Al-Sedo, qui est mariée à un Jordanien et vit en Jordanie depuis 16 ans. Elle a invité Mahmoud et ses enfants à venir habiter avec sa famille à Amman, une aide dont il avait grand besoin surtout durant les premières semaines suivant son arrivée. « Il est mon oncle, le frère aîné de ma mère. J’ai ma propre famille dont je dois m’occuper mais il avait évidemment besoin d’aide. Je l’aide à se rendre à l’hôpital pour ses traitements de dialyse. Il a besoin de trois sessions de dialyse par semaine, alors je l’accompagne à l’hôpital et à ses rendez-vous chez le médecin », explique Zakia, qui a aussi aidé Mahmoud à venir à cette entrevue et qui a demandé à y participer. Le premier souci de Mahmoud en arrivant en Jordanie était de trouver de l’aide pour continuer les traitements pour ses problèmes rénaux. Ça n’a pas été facile parce que les traitements pour l’insuffisance rénale sont très chers en Jordanie.

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La majorité (environ 85%) des réfugiés syriens en Jordanie vit au sein de la communauté jordanienne à Amman et dans d’autres villes, alors que les 15% restant vivent dans des camps. La plus grande partie des soins de santé est gratuite dans les camps de réfugiés grâce aux organisations humanitaires qui fournissent ces services aux réfugiés. Mais ce ne sont pas tous les soins de santé qui sont gratuits pour les réfugiés qui vivent à l’extérieur des camps, particulièrement ceux qui souffrent de maladies chroniques telles que l’insuffisance rénale, le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’hypertension. Mahmoud ne pouvait pas se permettre de payer les coûts élevés des traitements pour ses problèmes rénaux. Il a passé des temps difficiles durant les premières semaines de son séjour en Jordanie. Sans les traitements, sa santé s’est rapidement détériorée et il est devenu très malade. Heureusement, il a éventuellement trouvé un programme de l’organisation non gouvernementale Jordanian Health Aid Society (JHAS), financé par l’OMS. Sa santé s’est ensuite rapidement améliorée. Mahmoud a entendu parler de JHAS par des amis. « Il était très malade et dans une situation précaire avant de pouvoir s’enregistrer avec JHAS et devenir leur client. Comme vous pouvez le constater, il se porte un peu mieux maintenant après avoir reçu les traitements de ce programme financé par l’OMS », se réjouit Zakia.

L’histoire de Mahmoud présente un exemple de la situation de beaucoup de réfugiés syriens souffrant de maladies chroniques telles que l’insuffisance rénale, les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète et l’hypertension et qui ne peuvent se permettre de payer les coûts élevés des traitements dont ils ont besoin dans les pays voisins. Il y a des exemples de réfugiés syriens retournant en Syrie pour les traitements gratuits disponibles là-bas, risquant ainsi leur vie. L’OMS et d’autres organisations humanitaires font de grands efforts pour aider ces patients et appuyer les pays hôtes et leurs partenaires humanitaires en soins de santé comme JHAS pour fournir l’assistance médicale nécessaire pour qu’ils n’aient pas besoin de retourner à la situation précaire qui les a poussés à quitter la Syrie au départ.

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Mahmoud et Zakia disent qu’ils ont appris que le programme de JHAS est financé par le gouvernement canadien à travers l’OMS. « Je suis très reconnaissant envers l’OMS et le gouvernement canadien pour ce programme, et j’espère que cet appui continuera parce que ma condition requiert des traitements à long terme », dit Mahmoud. Le financement de l’OMS couvre les sessions de dialyse, qui se passent à l’hôpital Aakila, un hôpital privé spécialisé situé à Jabel Amman, une banlieue d’Amman.

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Mahmoud espère retourner en Syrie si le conflit se résout. « Mes enfants et moi souhaitons évidemment retourner en Syrie quand le conflit sera terminé, s’il l’est jamais. C’est notre pays. Nous y avons vécu durant des siècles et espérons y retourner pour reconstruire nos vies si la guerre se termine », dit Mahmoud.

À propos de mon travail avec l’OMS

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J’ai été déployé par CANADEM en avril 2014 pour aider avec la crise des réfugiés syriens en Jordanie à travers le projet du RAP-Fund pour la Syrie, financé par le ministère des Affaires étrangères, du commerce et du développement (MAÉCI) du gouvernement du Canada. J’ai travaillé comme membre de l’équipe d’appui en urgence (Emergency Support Team) de l’OMS basée à Amman. L’OMS est l’agence de l’ONU qui a pour mandat de coordonner les questions de santé et d’appuyer les pays pour fournir et développer des soins de santé équitables aux personnes nécessitant ces soins, incluant dans les situations d’urgence. L’équipe d’appui en urgence est la section des urgences de l’OMS et appuie les activités, les services et les programmes de l’OMS en Syrie et dans les pays voisins touchés par la crise syrienne, tels que la Jordanie, le Liban, l’Iraq, l’Égypte et la Turquie. L’OMS travaille également en étroite collaboration avec les fournisseurs de soins de santé pour assurer une réponse adéquate aux besoins en santé des Syriens et des communautés hôtes. Comme membre de l’équipe, je suis grandement impliqué dans les projets et les services de l’OMS ayant pour bénéficiaires les réfugiés syriens et donc à même de comprendre les défis rencontrés par les patients comme Mahmoud. La continuation du rôle de l’OMS et de l’appui aux partenaires humanitaires comme JHAS est vitale si les réfugiés syriens et les patients souffrant de conditions spéciales comme Mahmoud doivent pouvoir continuer à vivre et avoir une chance d’accéder aux soins de santé dont ils ont tellement besoin.

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Remerciements


Je voudrais remercier Chris Maher, Polio Eradication and Emergency Support Manager de l’OMS, pour cette entrevue, ainsi que Nada Al Ward, Emergency Support Coordinator, pour avoir accordé sa permission à la tenue de cette entrevue. Je voudrais aussi remercier Mary Sweidan, Jordan Focal Point pour le programme OMS-JHAS pour la coordination avec JHAS et ses employés et l’organisation de l’entrevue dans les bureaux de JHAS.

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